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Plan de lutte contre les fraudes : le bilan 1 an après et les mesures à venir
En mai 2023, Gabriel ATTAL présentait la feuille de route du Gouvernement pour agir contre les fraudes avec un cap : rétablir la confiance, la justice et l’efficacité de la puissance publique. Initié il y a moins d'un an, le Plan de lutte contre les fraudes sociales, fiscales et douanières comporte 36 chantiers. Parmi lesquels moins d’un an plus tard, certains ont déjà été mises en œuvre.
Moins d’un an après la présentation du Plan de lutte contre les fraudes, le gouvernement affirme que les premiers résultats sont là. Selon le Premier ministre, Gabriel Attal, ce plan a d’ores et déjà permis à l’État de renforcer les effectifs de lutte contre la fraude, de déployer de nouveaux outils et de durcir les sanctions à l’encontre des fraudeurs (Bilan du Plan de lutte contre les fraudes sociales, fiscales et douanières, 20 mars 2024). Trois axes essentiels ont été mis en œuvre : traquer la fraude aux aides publiques, traquer la fraude à l’ère du numérique, traquer la fraude à la source.
Focus sur les premiers résultats en matière de fraudes sociale et fiscale
Renforcement des effectifs de lutte contre la fraude
Le ministre délégué aux Comptes publics de France, Thomas Cazenave l’affirme, « Les agents sont au cœur de ce plan ». D’ici 2027, l’État s’engage à renforcer les effectifs de lutte contre la fraude, avec :
- 1500 agents supplémentaires dédiés à la lutte contre la fraude fiscale ;
- 1000 agents supplémentaires sur la lutte contre les fraudes sociales d’ici 2027 ;
- 450 agents dotés de prérogative de police judiciaire et spécialement formés aux cyber-enquêtes ;
- 100 ETP redéployés sur le contrôle douanier du e-commerce.
Les chiffres de la lutte contre la fraude fiscale
Les mises en recouvrement atteignent un record historique, 15,2 Md€ en 2023 soit plus 600 M€ par rapport à 2022 et 3,5 Md€ de plus qu’en 2019. Comme le Premier ministre l’avait annoncé, l’année dernière, le nombre de contrôles fiscaux, notamment sur les particuliers aux plus hauts revenus, a augmenté de 25 % et le nombre de perquisitions fiscales a progressé de 30 %.
« Être intraitable sur les gros schémas de fraude pour alléger la pression sur le petit contribuable. »
C’est la tendance de la lutte contre la fraude fiscale. Depuis la mise en place du droit à l’erreur par la loi ESSOC en janvier 2019, près de 230 000 régularisations sont intervenues en cours de contrôle et représentent 6 Md€ de droits et intérêts de retard régularisés. Jamais, autant de contribuables n’avaient bénéficié d’annulation de pénalité sur la base de leur bonne foi. La proportion des contrôles se concluant par une acceptation des contribuables progresse fortement, et représente désormais quasiment un contrôle sur deux.
Les chiffres de la lutte contre la fraude sociale
« Doubler nos résultats contre la fraude sociale entre 2022 et 2027 », c’était l’objectif de Gabriel Attal pour atteindre au cumulé 3 Md€ de préjudice détecté et évité par les CAF et l’assurance vieillesse d’ici 2027.
Objectif dépassé. En un an seulement, le nombre de redressements Urssaf a augmenté de 50 % sur la fraude sociale des entreprises avec 1,2 Md€ redressés en 2023 contre 800 M€ en 2022 et 500 M€ en 2017.
Y ont notamment contribué, la mise en place en 2023 d’un guichet de régularisation des micro-entrepreneurs (qui a permis 34 M€ de redressements), ainsi que le doublement du nombre de recrutements d’inspecteurs.
« 5,5 Md€ de redressements sur le quinquennat »
C’est l’objectif fixé aux Urssaf par le gouvernement, rehaussé de 10 % par le Premier ministre compte tenu de ces premiers résultats.
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Traquer la fraude aux aides publiques
Pour Thomas Cazenave, « il n’est pas concevable que l’argent des contribuables soit détourné au profit de ceux qui n’y ont pas le droit. » Afin de lutter contre les détournements des aides, le Plan anti-fraudes a déjà permis la mise en place de plusieurs outils.
De nouveaux outils
Pour lutter contre la fraude aux aides publiques de nouveaux outils ont été mis en place et des services renforcés :
- une cellule interministérielle de veille et d’analyse des risques de fraude aux aides publiques a été créée ;
- la Mission interministérielle de coordination anti-fraude (MICAF) a permis de recouper les alertes et de structurer une réponse pour des fraudes au Fonds territorial d’accessibilité (FTA ; qui permet de financer les travaux d’accessibilité des ERP) ou aux aides aux employeurs d’alternants (plus de 15 M€ en jeu a minima) ;
- au niveau local, les Comités opérationnels départementaux anti-fraude (CODAF).
Exemple : grâce au CODAF, la justice a été saisie du cas d’un salon de coiffure qui avait pu déclarer 70 contrats d’apprentissage pour un préjudice de 100 000 €, alors que la loi prévoit un maximum de 2 apprentis par maître d’apprentissage.
- la transformation du service d’enquête judiciaire et fiscal (SEJF) en Office national anti-fraude dès le 1er mai 2024, pour lutter contre toutes les fraudes aux finances publiques (D. n° 2024-235, 18 mars 2024 : JO, 20 mars).
De nouvelles sanctions
Dans la loi de finances 2024, une sanction administrative a été créée en cas de fraude aux aides publiques. Depuis le 31 décembre 2023, en cas de fourniture d’informations inexactes ou incomplètes pour l’attribution d’une aide publique la somme à restituer par le fraudeur est assortie d’une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré ou 80 % en cas de manœuvres frauduleuses (Code des relations entre le public et l’administration, art. L. 115-1).
Exemple : les fraudes au bonus écologique ou au bonus vélo sont désormais sanctionnables directement par l’administration alors qu’elle devait auparavant saisir la justice.
De nouvelles mesures anti-abus
Afin d’éviter les pratiques de carrousels de TVA constatées avec les quotas carbones, le dispositif d’autoliquidation de la TVA par le client prévu pour les transferts de certificats de garantie de capacité concernant l’électricité et les garanties d’origine du biogaz est étendu aux certificats et garanties d’origine de l’électricité, de gaz renouvelable, de biogaz, de l’hydrogène renouvelable et bas carbone et aux certificats de production de biogaz (CGI, art. 283, 2 septies, al. 2).
Traquer la fraude à l’ère numérique
Plus d’1 Md€ supplémentaires devraient être alloués à la modernisation des outils numériques de détection et de lutte contre les fraudes.
Évolution des méthodes
Au fil des innovations technologiques, la fraude évolue et les méthodes pour lutter contre aussi.
En matière fiscale, parmi les mesures annoncées par le Plan de lutte contre les fraudes et déjà mises en œuvre :
- l’article 112 de la loi de finances pour 2024 créé la possibilité pour les agents de l’administration habilités de mener des enquêtes actives en ligne sous pseudonyme (déploiement de « cyber enquêteurs ») (LPF, art. L 10-0 AD) ;
- l’utilisation grandissante de logiciels de datamining faisant masse des données pour cibler leurs contrôles. Sont notamment exploitées les données des plateformes collaboratives obtenues par la DGFiP et les données collectées sur les réseaux sociaux ;
- le renforcement du webscrapping, c’est-à-dire l’utilisation de données sur les réseaux sociaux afin notamment de contrôler l’exercice d’activités occultes non déclarées, avec l’élargissement du champ du dispositif de recherche automatisée d’infractions fiscales ou douanières à partir des contenus librement accessibles sur les sites internet des opérateurs de plateformes en ligne (LF 2020, art. 154 mod. par LF 2024, art. 112, IV) ;
Exemple : pourra être visée une entreprise qui ne déclare aucun revenu alors même qu’elle propose des dizaines d’annonces de voitures de luxe sur un site d’annonces en ligne.
- l’administration fiscale va continuer d’explorer les potentiels de l’IA au service de la lutte contre la fraude, en utilisant cet outil pour identifier tous les bâtiments non déclarés.
Exemple : avec le dispositif « Foncier innovant », 140 000 piscines non déclarées ont été détectées grâce à l’IA dans 9 départements, soit des rappels de 40M€ au titre de la taxe foncière.
- afin de responsabiliser les plateformes de ventes en lignes, avec l’injonction numérique, un vendeur qui ne respecte pas ses obligations fiscales sera retiré de la plateforme de vente en ligne.
- le dropshipping, qui consiste en l’achat d’un bien situé en territoire tiers et à la revente en ligne en France sans jamais en disposer physiquement, est désormais soumis à une taxation effective en matière de TVA (LF 2024, art. 112).
En matière sociale également, afin de lutter contre la sous-déclaration des cotisations sociales évaluée à plus 800 M€ par an, l’article 6 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 prévoit la mise en place dès 2027 du précompte des cotisations sociales des micro-entrepreneurs. Les plateformes numériques devront déclarer les chiffres d’affaires réalisés par leur intermédiaire et précompter les cotisations et contributions sociales (ainsi que les taxes et le versement libératoire de l’impôt sur le revenu) des vendeurs et prestataires relevant du régime auto-entrepreneur ou ayant opté pour l’affiliation au régime général.
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Traquer la fraude à la source
Identifier le plus en amont possible les fraudes
Pour traquer la fraude fiscale à la source, depuis le 1er janvier 2024 :
- le juge peut désormais priver les fraudeurs de leurs crédits et réductions d’impôts pendant 3 ans maximum en cas de fraude fiscale (LF 2024, art. 114) ;
- un délit autonome de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale est créé, visant les personnes physiques ou morales qui mettent à la disposition des contribuables des moyens, services, actes ou instruments leur permettant de se soustraire à leurs obligations fiscales (LF 2024, art. 113) ;
- l’administration fiscale dispose de nouveaux moyens pour détecter les prix de transfert abusifs : extension du champ de l’obligation de tenir une documentation, augmentation de l’amende, institution d’une présomption de transfert indirect de bénéfices en cas de discordance entre la documentation et les prix effectivement pratiques et enfin, possibilité pour l’administration d’utiliser les résultats postérieurs au transfert d’actifs incorporels difficiles à évaluer pour rectifier, pendant un délai de reprise de 6 ans, l’évaluation retenue par l’entreprise (LF 2024, art. 116).
En outre, avec la transposition de la directive « Pilier 2 » un impôt minimum mondial de 15 % des grands groupes multinationaux est mis en place pour les exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023, avec une première collecte dès 2026 (LF 2024, art. 33).
En matière sociale, depuis le 1er janvier 2024 :
- le délit d’incitation à la fraude sociale est redéfini. Le fait d’inciter autrui, notamment sur les réseaux sociaux, à se soustraire à l’obligation de s’affilier à un organisme de sécurité sociale, à la déclaration et au paiement des cotisations sociales dues, à obtenir frauduleusement le versement de prestations, d’allocations ou d’avantages servis par un organisme de protection sociale ou encore à refuser de se conformer aux prescriptions de la législation en matière de sécurité sociale est puni de 2 ans de prison et d’une amende de 30 000 € (LFSS 2024, art. 9 ; CSS, art. L. 114-18) ;
- un délit de facilitation de la fraude sociale est créé, caractérisé par la mise à la disposition, à titre gratuit ou onéreux, d’un ou de plusieurs moyens, services, actes ou instruments juridiques, comptables, financiers ou informatiques ayant pour but de permettre à un ou à plusieurs tiers de se soustraire frauduleusement à la déclaration et au paiement des cotisations et contributions sociales dues ou d’obtenir une allocation, une prestation, un paiement ou un avantage indu d’un organisme de protection sociale. Ce délit est passible d’une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 250 000 € d’amende, portée à 5 ans de prison et 500 000 € d’amende lorsque les schémas de fraude sont proposés en ligne ou en bande organisée (LFSS 2024, art. 9 ; CSS, art. L. 114-13).
Les organismes sociaux ont désormais un accès automatisé au fichier des comptes bancaires (Ficoba) pour identifier ceux qui sont frauduleux. Par ailleurs, une base interministérielle de RIB frauduleux est mise en place et sera effective d’ici 2025 dans le champ social et d’ici 2027 pour tous les organismes qui versent des aides publiques.
Les mesures à venir du Plan de lutte contre les fraudes
MESURE | STATUT |
1 – Exploiter pleinement la facturation électronique pour lutter contre les fraudes fiscales | À venir |
6 – Responsabiliser les plateformes du e-commerce | En finalisation
(d’ici juin) |
12 – Expérimenter la suspension provisoire, à la demande de Tracfin, du versement des aides publiques en cas de suspicion de fraude organisée
|
À venir
|
14 – Lutter contre l’utilisation de la transmission universelle de patrimoine dans les schémas de fraude :
– Rendre obligatoire la publication de la TUP exclusivement au BODACC ; – Doubler le délai légal d’opposition (soit 2 mois au lieu d’1 mois), afin de permettre aux créanciers, (dont les administrations) de faire opposition le cas échéant. |
À venir |
15 – Imposer la production d’une attestation fiscale et sociale lors de la procédure de liquidation amiable en matière de lutte contre les sociétés éphémères | En finalisation (d’ici juin) |
17 – Évaluer l’option d’une migration du NIR vers la carte d’identité | A venir |
21A – Prévoir la possibilité pour le juge de prononcer des peines de TIG en cas de fraude fiscale et créer une offre de TIP au sein de la DGFiP | En finalisation (d’ici avril) |
22 – Accéder au fichier PNR sur les données de voyage pour mieux repérer la fraude à la résidence sociale et fiscale | En finalisation |
27 – Adopter une stratégie nationale en matière d’échanges internationaux pour promouvoir la lutte contre l’opacité de détention patrimoniale au plan international | En finalisation |
29 – Améliorer le partage d’informations entre services de lutte contre les fraudes | À venir |
30A – Conclure un nouveau partenariat de lutte contre la fraude DGFiP/DGDDI | En finalisation (d’ici juin) |
30B – Conclure un nouveau partenariat de lutte contre la fraude entre la DGFiP et l’URSSAF caisse nationale | En finalisation |
33 – Renforcer l’accompagnement des entreprises en matière fiscale | En finalisation (d’ici 2025) |
Sandy Allebe
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