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Pourquoi les artisans du BTP ne se forment-ils pas à la sécurité?
Une étude récente montre que les artisans ne se forment (toujours) pas à la sécurité. Ignorant, pour beaucoup, leurs obligations réglementaires sur le sujet, ils privilégient les formations métiers. Pour des raisons de temps et d'argent aussi, expliquent-ils.
Les artisans du BTP se forment assez peu en général : 30 % d’entre eux n’auraient même pas de projet en la matière. Et lorsqu’ils suivent une formation, le but poursuivi n’est pas de progresser en terme de santé et de sécurité ; il s’agit d’abord d’en apprendre sur le plan du métier. C’est du moins ce qui ressort de la récente étude menée notamment par la Capeb (confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment). Une étude qui, dans ses éditions précédentes, montraient déjà le même phénomène. Pourtant, les formations à la sécurité ne seraient pas un luxe dans le secteur : si l’on ignore exactement combien d’accidents du travail les artisans connaissent chaque année, on sait en revanche que la sous-déclaration est très importante. Pourquoi donc ne se forment-ils pas ?
La réglementation : un levier ambivalent
Tout d’abord, parce qu’ils ont des difficultés à identifier leurs obligations en termes de formation à la sécurité, nous dit l’étude. 58 % des professionnels interrogés déclarent ne pas connaître les formations sécurité obligatoires pour leur métier. Si l’on réduit la question au seul secourisme, les chiffres sont tout aussi impressionnants : seuls 46 % des répondants ont connaissance de leur obligation de formation en la matière. Les obligations de formation les « mieux » connues en terme de santé sécurité concernent surtout les travaux en hauteur et la prévention du risque électrique. Parmi les 23 % d’artisans formés en sécurité, la plupart suivent soit l’une soit l’autre. « Parce qu’elles sont obligatoires », précise Jean-Jacques Chatelain, qui porte le dossier au sein de la Capeb. « Si elles ne l’étaient pas », ajoute-t-il, « je ne sais pas si l’on atteindrait les 23 % ». La réglementation serait donc à la fois source de difficultés pour aller vers la formation, et en même temps ce qui pousse les artisans à se pencher sur la question.
« Le nez dans le guidon »
69 % des répondants estiment par ailleurs ne pas avoir le temps de se former en santé-sécurité en raison de leur charge de travail. Lui-même peintre, Jean-Jacques Chatelain rappelle que « les artisans du BTP ont souvent le nez dans le guidon » et n’ont pas même le temps de « jeter un oeil aux formations existantes » sur le sujet. Qu’il s’agisse de leur charge de travail ou de l’obligation de formation à la sécurité qui pèse sur eux, ils ont en tout cas tendance à former d’abord leurs salariés avant eux-mêmes. Quand les dates et les durées de formation leur conviennent : 30 % des répondants estiment que les dates de formation sont incompatibles avec l’activité de l’entreprise. 25 % disent, eux, que la durée des formations en question est dissuasive. « Il y a beaucoup de formations qui sont mal adaptées au modèle artisanal », confirme Jean-Jacques Chatelain. « On sait que c’est difficile de s’échapper plus de deux jours lorsqu’on est artisan. Certaines se font sur 10 jours, à raison de 5 fois 2 jours… ».
2 jours de formation = 2 jours non rentables ?
Un artisans sur 2 interrogé fait enfin valoir le coût des formations santé-sécurité. Pourtant, l’étude indique que la plupart d’entre elles bénéficient d’une aide de financement. C’est vrai dans 78 % des cas de formation du chef d’entreprise, et dans 89 % des cas de formation des salariés. Cette aide provient en grande partie du FAFCEA (fonds d’assurance formation des chefs exerçant une activité artisanale) dans le premier cas de figure, et de Constructys dans le second cas de figure. Il s’agit de l’OPCA (organisme paritaire collecteur agréé) de la construction. Le service public de l’emploi (Pôle emploi, missions locales) et certains services des collectivités territoriales sont aussi mis à contribution. « Si les artisans avancent cet argument », analyse Jean-Jacques Chatelain, « c’est parce que la majorité travaillent seuls, et dès lors qu’ils partent en formation, ils pensent en jours non-travaillés ». Un argument qu’il faudrait parvenir à déconstruire rapidement, pour le peintre.
Valoriser le retour sur investissement
Car la prévention rapporte, selon lui et « il faut mettre cela en avant ». De nombreuses études le montrent ; Jean-Jacques Chatelain en aurait lui-même fait l’expérience : « Quand je me suis mis à former mes salariés à la sécurité via un organisme extérieur, j’ai changé mon organisation, revu mon rangement d’atelier », se souvient-il. « 50 % des accidents dans notre secteur correspondent à des foulures de cheville car on a mal rangé le chantier, ou mis les mauvaises chaussures. » Parallèlement au gain économique réalisé, il estime aussi que la formation en sécurité peut apporter aux artisans et à leurs salariés « un confort de travail, et moins de fatigue à la fin de la journée ». Lesquelles en particulier ? Celles au secourisme, au risque chimique et au risque routier, ainsi qu’aux addictions. Autre piste à explorer d’après lui : les formations métiers, nettement plus privilégiées par les artisans. « Qu’il s’agisse de mécanisation ou d’échafaudage, sur une journée entière, on peut y insérer une demi-heure de santé sécurité avec de l’information sur un thème précis ».
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