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Prêt garanti par l’État (PGE) : un pont de trésorerie pas si facile d’accès
Lors d’un webinaire organisé par le MEDEF Île-de-France ce jeudi 16 avril, Jean-Pascal Prevet, gouverneur de la Banque de France, et Jean-Paul Barbet, président du comité des banques Fédération bancaire française (FBF) ont mis en lumière les véritables critères d’octroi du prêt bancaire garanti par l’État (PGE).
Sauver les entreprises ? Oui, mais pas à n’importe quel prix. Si les textes permettent à toutes les entreprises ou presque de demander à leur banque un prêt garanti par l’État (PGE) à hauteur de 90 % pour soutenir leur trésorerie, toutes ne sont pas assurées de voir leur vœu exaucé par cette dernière. La faute à ces 10 % restants qui mettent en jeu la banque en cas de défaillance. La FBF rappelle que le PGE reste un crédit à rembourser et « qu’il n’y aura pas 100 % d’acceptation ». Le taux de refus serait ainsi « de l’ordre de 4 à 5 % », comme l’a avancé le ministre de l’Économie devant l’Assemblée nationale.
Si « le PGE est un vrai pont de trésorerie pour franchir l’abîme que les chefs d’entreprise subissent en ce moment avec des pertes de chiffre d’affaires et des charges qui continuent à courir », comme le reconnait Jean-Paul Barbet, président du comité des banques Fédération bancaire française (FBF) île-de-France, encore faut-il qu’ils puissent l’emprunter.
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« Si les capitaux propres sont négatifs, on ne peut pas le faire »
Pour être accepté, un dossier doit premièrement respecter les critères d’éligibilité : « si les capitaux propres sont négatifs, on ne peut pas le faire », explique Jean-Paul Barbet, également délégué général Île-de-France Sud Société Générale. Les banques doivent s’assurer de la cohérence entre les besoins financiers exprimés par les entreprises et leur capacité à rembourser ce PGE.
« Le PGE n’est pas fait pour rattraper des entreprises qui étaient à la dérive en 2019 mais pour aider les entreprises saines à passer ce moment difficile »
Ainsi, certaines entreprises dont l’éligibilité n’est pas compromise par les textes ont en réalité peu de chances d’obtenir un PGE. C’est le cas notamment des entreprises en procédure préventive amiable (mandat ad hoc, conciliation), en médiation ou dont le plan de sauvegarde ou de redressement est en cours au 24 mars 2020. « Il convient de noter le lien avec la situation financière qui souvent, pour les entreprises dans ces situations, est déjà dégradée et peut justifier, au cas par cas, des décisions négatives d’octroi par les banques de nouveaux prêts garantis par l’Etat », prévient d’ailleurs le gouvernement dans sa FAQ dédiée.
« Le PGE n’est pas fait pour rattraper des entreprises qui étaient à la dérive en 2019 mais pour aider les entreprises saines à passer ce moment difficile », résume Jean-Pascal Prevet, directeur régional Île-de-France à la Banque de France. D’où l’importance de la notation de le banque centrale française (cf. Guide de référence de la cotation).
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Le critère de la cotation FIBEN
« Il y a des dossiers plus faciles que d’autres mais nous nous engageons à répondre en moyenne dans un délai de cinq jours », assure Jean-Paul Barbet. La FBF fait savoir que les banques les priorise selon leur degré d’urgence (celles ayant un besoin urgent de cash avant l’été ; avant la fin de l’année ou début 2021). Mais si l’urgence est de rigueur pour les entreprises les plus saines, les dossiers les plus mal notés (note plus mauvaise que 5+ ou équivalente pour les entreprises qui n’ont pas de cotation FIBEN) ont très peu de chances de se retrouver en haut de la pile.
« Pour une entreprise qui a une structure financière solide, une bonne cotation Banque de France et une rentabilité historique solide, il n’y a aucun sujet, expose le président du comité des banques FBF-Ile de France. Celle qui a une structure financière un peu plus légère avec un impact de la crise extrêmement fort sur sa trésorerie et sa rentabilité – et par conséquent sur sa structure -, la demande est plus complexe et va nécessiter une étude plus approfondie, poursuit-il. Enfin, celle qui connaissait déjà des difficultés avant la crise, qui est soit en retournement, soit en rémission, dans une grande sensibilité financière, dont la structure financière est très fragile et qui affiche (dans la plupart des cas) des capitaux propres négatifs, on a alors un problème de recevabilité du PGE », affirme-t-il sans détour.
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Quelles solutions ?
Le chef d’entreprise qui s’est vu refuser une demande peut revenir avec une solution. « On a eu l’exemple d’une entreprise dont la moitié des capitaux propres n’existait plus, sa demande de PGE n’était pas recevable. En revanche, si elle fait un apport immédiat en compte courant ou augmente son capital, son dossier peut être recevable », explique Jean-Paul Barbet. Bruno Le Maire a en outre annoncé le 15 avril la création d’une « avance remboursable » pour les PME mal notées non éligibles au PGE. Elles pourront ainsi trouver la trésorerie pour redémarrer et convaincre leurs banquiers.
Pour mettre toutes les chances de son côté, l’ordre des experts-comptables a en outre produit un document synthétique pour présenter une demande. Si le chef d’entreprise rencontre des difficultés pour boucler un plan de financement ou obtenir un PGE, il a la possibilité d’exposer ses problématiques de financement aux correspondants TPE/PME de chaque département – un numéro vert, le 0800 0832 08 a été mis en place –, de saisir le médiateur du crédit – pour le moment, moins de 1 % des demandes réalisées sont passées en médiation – ou encore de se tourner vers le Fonds de développement économique et social (FDES) réactivé.
Jusqu’ici, 45 milliards de demandes ont été enregistrées en trois semaines, concernant 230 000 entreprises dont 50 000 entreprises franciliennes, selon le gouverneur de la Banque de France.
Le point procédureJean-Paul Barbet rappelle qu’il faut d’abord aller voir sa ou ses banques et dialoguer avec chacune d’elle avant de s’inscrire sur le site de la bpi. « Il faut dialoguer, dialoguer, dialoguer avec son banquier » explique-t-il. « L’élément de base : déterminer le montant dont le chef d’entreprise a besoin en travaillant avec son expert-comptable. » Le chef d’entreprise doit être en mesure « de qualifier son besoin ». Il conseille de se baser sur trois hypothèses et d’être capable d’expliquer ses besoins par rapport à chacune d’elles. Le simulateur Opale mis gratuitement à la disposition des chefs d’entreprise permet de mesurer ses performance et établir des prévisionnels. Si le chef d’entreprise a la possibilité de faire autant de demandes qu’il le souhaite dans la limite des 25 % – le PGE s’élève à 25 % du CA annuel HT de l’année précédente –, rien ne presse. « C’est un maximum. Cela ne veut pas dire qu’il doit aller le chercher tout de suite : pas la peine de sur-calibrer. Il faut laisser de la puissance d’endettement future pour la croissance de l’entreprise », rappelle Jean-Paul Barbet. |
Charlotte de Saintignon – Matthieu Barry
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