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Quand une publicité comparative erronée n’est pas trompeuse

Une publicité comparative inexacte n’est trompeuse que si elle est susceptible d'avoir une incidence sur le comportement économique des personnes auxquelles elle s'adresse, juge la Cour de cassation dans une décision du 22 mars 2023.

Quand une publicité comparative erronée n’est pas trompeuse
Même inexacte, une publicité comparative peut être licite si elle n'est pas de nature à altérer le comportement économique du consommateur. © Getty Images

Est-ce qu’une publicité comparative, pour être trompeuse, et donc illicite, doit être ou non susceptible d’avoir une incidence sur le comportement économique du consommateur auquel elle s’adresse ou suffit-il qu’elle soit objectivement inexacte ? Réponse : une publicité comparative peut s’arranger avec la réalité, sous-tend la Cour de cassation dans une récente affaire opposant deux géants de la grande distribution, une certaine part d’exagération étant admise dès lors qu’elle n’a pas pour effet d’altérer ou être susceptible d’altérer le comportement économique du consommateur à qui elle est destinée.

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Guerre des prix

En l’espèce, la société Carrefour a fait réaliser une publicité comparative publiée dans le journal Ouest-France en 2015 de prix de produits pratiqués par l’un de ses hypermarchés et un magasin E. Leclerc, arguant que ses prix étaient moins élevés que ceux de son concurrent. L’hypermarché Leclerc estimant que la publicité est trompeuse, demande réparation du préjudice subi. Une demande rejetée par les juges en appel qui écartent le caractère illicite de la publicité.

Pourtant, sur les 227 prix de produits cités par la publicité, 45 prix s’avèrent supérieurs aux prix réels pratiqués par l’enseigne Leclerc. Le prix du panier de l’hypermarché Leclerc se trouvant ainsi en réalité 13 % plus cher que celui de Carrefour, contre 15,9 % plus cher comme indiqué dans la publicité.

Incidence de la publicité sur le consommateur

L’hypermarché Leclerc forme alors un pourvoi en cassation. Selon son interprétation de l’article L. 121-8 du code de la consommation (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016), de l’article 6 de la directive 2005/29/CE et des articles 2 et 4 de la directive 2006/114/CE, il estime que :

  • d’une part, une publicité mensongère et déloyale ne suppose pas que la publicité soit de nature à amener le consommateur à prendre une décision qu’il n’aurait pas prise autrement (serait trompeuse une publicité comparative utilisant des prix inexacts, dès lors qu’elle portait préjudice ou était susceptible de porter préjudice à un concurrent) ;
  • d’autre part, une publicité comparative « axée sur le faible prix des produits comparés, de prix d’un concurrent supérieurs à ceux qu’il pratique effectivement » serait nécessairement de nature à altérer le comportement économique du consommateur.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. À la lumière de ces mêmes textes, malgré une ambiguïté rédactionnelle, la Cour considère que l’incidence éventuelle de la publicité erronée sur le choix de la personne auquel elle s’adresse est une condition nécessaire pour qu’elle soit considérée comme trompeuse. Or, il n’était pas établi que le consommateur, informé que le prix du panier de l’hypermarché Leclerc était en réalité de 2,9 points plus cher qu’indiqué dans la publicité, aurait modifié son comportement. Ainsi, la publicité « mensongère » n’est pas trompeuse donc licite.

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Une interprétation conforme à la jurisprudence de la CJUE

L’interprétation de la Cour de cassation selon laquelle le seul caractère inexact de la publicité comparative n’est pas suffisant pour la considérer comme trompeuse est conforme à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Cette dernière favorisant la publicité comparative, quitte à laisser vivre de « petits mensonges ».

Ainsi, selon les auteurs de la lettre de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation de mars 2023, étant entendu qu’une publicité comparative ne soit pas utilisée de manière anticoncurrentielle et déloyale ou de manière à porter atteinte aux intérêts des consommateurs, la CJUE rappelle régulièrement que les conditions exigées d’une publicité comparative « doivent être interprétées dans le sens le plus favorable à celle-ci [la concurrence entre les fournisseurs de biens et de services] » (arrêts du 25 octobre 2001, Toshiba Europe, C-112/99, points 36 et 37 ; du 19 septembre 2006, Lidl Belgium, C-356/04, point 22 ; du 18 novembre 2010, Lidl, C-159/09, points 20 et 21 et du 8 février 2017, Carrefour hypermarchés, C-562/15, point 21).

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Matthieu Barry

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