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Santé au travail : les dossiers en chantier
Quelques mois après la feuille de route issue de la conférence sociale, avec ses objectifs en santé au travail, où en est-on? Si la réflexion sur la gouvernance fait discrètement son chemin, tout comme l'évaluation des CHSCT, le plan santé au travail et la mise en œuvre de l'accord sur la qualité de vie, sont nettement moins avancés.
Notre pays peut avancer. […] Il peut préparer l’avenir, parfois sans que cela ne se voit. N’avez-vous pas remarqué que le compte personnel de formation et le compte de prévention de la pénibilité sont des comptes d’un nouveau genre : attaché à la personne, dans un cadre collectif, et non uniquement au poste de travail ? », interpelle Michel Sapin à l’occasion de ses vœux à la presse, le 23 janvier. En juin dernier, la conférence sociale avait fixé une feuille de route sur la santé au travail. S’il était alors déjà clair que le ministère des Affaires sociales et de la Santé souhaitait prendre la main sur le débat sur la pénibilité au travail, la réforme des retraites n’avait pas encore été lancée. Depuis, le compte personnel de prévention de la pénibilité a vu le jour. « Il est clair que le compte pénibilité a cristallisé les débats sur la santé au travail. Pourtant, quoiqu’en dise le gouvernement, on est plutôt sur la réparation que dans la prévention, avec cet outil », remarque Alain Alphon-Layre, responsable des questions de santé au travail à la CGT. Il espère que Michel de Virville, chargé fin novembre par Marisol Touraine et Michel Sapin d’une « mission de facilitation et de concertation permanente sur [sa] mise en œuvre opérationnelle » viendra effectivement et amplement consulter le Coct (conseil d’orientation sur les conditions de travail).
La gouvernance avance sur la santé au travail
Le Coct. C’était justement l’un des points de satisfaction des partenaires sociaux à l’issue de la conférence sociale. Alors que la déception l’emportait à l’issue de la table ronde consacrée à la santé au travail, l’ensemble des acteurs semblait s’accorder sur la nécessité de donner une nouvelle dynamique à cette instance. Hervé Garnier, secrétaire national de la CFDT, reconnaît qu’il y a « un dossier qui ne fait pas de bruit, mais qui avance » : celui de la gouvernance de la santé au travail. Le groupe de travail se réunit régulièrement depuis l’automne, comme prévu, il a auditionné la plupart des acteurs (DGT, Direccte, Carsat, INVS, INRS, OPPBTP, Anact, etc.) et tiendra ce vendredi une réunion tripartite afin d’en tirer les premières conclusions. Il s’agit surtout de savoir comment la gouvernance s’articule entre l’échelon national et le régional. La CFDT prévoit d’interpeller le ministre « pour savoir où positionner le curseur ». « On ne donne toujours pas de moyens suffisants au Coct ; nous allons élever le ton. Si la montagne accouche d’une souris, ce sera un très mauvais message », prévient Hervé Garnier.
Le PST reste en plan
Selon la feuille de route, le Coct aurait dû, dès septembre 2013, mettre au point « la démarche permettant de réaliser un bilan provisoire du plan Santé au travail (PST) 2 » et « préparer le PST 3 (2015-2019) ». « Nous commençons à peine à en parler », raconte Martine Keryer, en charge des questions touchant aux conditions de travail à la CFE-CGC. « Cela n’a pas avancé. Mais on devrait s’attaquer au PST 3 au printemps », confirme Alain Alphon-Layre. « Ce n’est pas la priorité », ajoute Hervé Garnier : « on sait bien que toutes les forces sont mobilisées sur l’emploi – et nous sommes les premiers à dire que c’est important. Mais de ce fait, la santé au travail souffre de l’absence d’un réel portage politique ».
La réforme de l’inspection du travail se glisse ailleurs
Le prochain PST devra « mettre l’accent sur les lieux de travail plus particulièrement exposés aux risques professionnels », écrivait encore la feuille de route, insistant sur les TPE, les sites où existe une forte co-activité et le BTP. La réforme de l’inspection du travail vient en partie répondre à cet objectif. Michel Sapin l’a présentée la semaine dernière en conseil des ministres comme visant à donner aux inspecteurs « des pouvoirs de sanction et de prévention accrus, et une organisation adaptée aux enjeux actuels en matière de risques professionnels et technologiques, de travail illégal, de détachement des travailleurs ou de sous-traitance en cascade ». « Mais c’est encore un dossier qui n’est pas entre les mains du Coct ! », remarque un responsable syndical. Le projet est intégré au projet de loi relatif à la formation professionnelle.
L’évolution des CHSCT s’approche
Quelle couverture des CHSCT dans les petites entreprises, quelles compétences dans les sites ayant une co-activité importante ? Quid de la formation des membres des CHSCT, leur recours à l’expertise, les modalités de désignation ou encore l’articulation entre CHSCT et comité d’entreprise ? Depuis l’été dernier, le professeur de droit Pierre-Yves Verkindt multiplie les auditions pour établir un état des lieux des forces et des faiblesses de cette instance de représentation du personnel et envisager des pistes d’évolution, selon la mission qui lui a été confiée par Michel Sapin. Il devait rendre ses conclusions à la mi-décembre, mais a pris un peu de retard. « Le sujet est vaste et passionnant, il a dû venir nous voir à deux reprises », commente Martine Keryer. Le rapport devrait être sur le bureau du ministre d’ici une quinzaine de jours et présenté au Coct d’ici la fin du mois de février.
L’accord QVT se cache
« Et l’accord sur la qualité de vie au travail, il ne faut pas l’oublier, celui-ci », suggère Hervé Garnier. Conclu la veille de l’ouverture de la conférence sociale, « toute la question est désormais sa mise en route effective », note Alain Alphon-Layre. L’Ani (accord national interprofessionnel) QVT contient deux objectifs majeurs. Il y a d’abord l’égalité professionnelle, un dossier qui suit son cours, porté notamment par Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des Femmes. Et puis il y a l’article 13 de l’accord, qui prévoit que la « démarche de la qualité de vie au travail » s’élabore « dans le cadre du dialogue social ». « À quel endroit va-t-on transposer cette disposition essentielle ? », s’interroge Hervé Garnier. « Si le gouvernement ne le fait pas de lui-même, on se prépare à proposer qu’il soit intégré par amendement dans le projet de loi sur la formation professionnelle. »
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