Actu

Télétravail : « L’employeur peut s’éviter de grandes difficultés en mettant en place un accord »

Si au départ, le télétravail était une composante du bien-être, depuis le 17 mars dernier, il est devenu une réalité contrainte et forcée pour 39 % des salariés du secteur privé. Mis en place de façon urgente, les entreprises sont dorénavant obligées de réfléchir à sa mise en place et à tous les paramètres juridiques et pratiques qu’il implique.

Télétravail : « L’employeur peut s’éviter de grandes difficultés en mettant en place un accord »
Si certaines entreprises avaient mis en place et organisé le télétravail avant la crise sanitaire, d’autres l’ont adopté de façon contrainte. Ces dernières doivent doivent prendre le temps de réfléchir et négocier un accord collectif. © Adobe Stock

« Les entreprises sont en marche forcée sur le télétravail, avec une possibilité d’écraser le contrat de travail et de se passer d’accord collectif. C’est ce qui rend dangereux sa mise en place », expose Benjamin Desaint, vice-président de l’ANDRH Île-de-France et avocat associé du cabinet Factorhy spécialiste en droit du travail, lors d’un webinaire organisé par le Medef Île-de-France et l’ensemble des Medef territoriaux le 26 mai dernier sur les « clés de l’organisation du télétravail ». Si certaines entreprises avaient mis en place et organisé le télétravail avant la crise sanitaire, d’autres l’ont adopté de façon contrainte. Ces dernières doivent passer à un système plus organisé et équilibré qui tient compte des contraintes légales du télétravail.

Netpme Premium Abonnement
Passez à l’action :

Netpme Premium Abonnement

La réglementation, une variable indispensable

« Si l’on impose le télétravail dans la précipitation, cette précipitation est antinomique avec le fait de réfléchir à tous les risques que l’entreprise souhaite éviter », explique Benjamin Desaint. Pour s’assurer que ce qu’elles ont concocté en interne tient la route, premier réflexe, regarder « si l’organisation patronale de référence peut apporter une aide sur la compatibilité de l’acte juridique qu’elle souhaite mettre en œuvre ou voir ce qui est prévu dans la convention collective de branche », poursuit l’avocat.

« Si la réglementation n’est pas l’alpha et l’oméga du télétravail, c’est une phase obligatoire »

Sa mise en place passe par une phase de réglementation pour encadrer au maximum les pratiques. « Si la réglementation n’est pas l’alpha et l’oméga du télétravail, c’est une phase obligatoire », affirme Benjamin Desaint. Le télétravail a en effet un impact sur de multiples points : les conditions de travail, la santé au travail, le temps de travail, les modalités de contrôle du travail, le droit pénal du travail…

« Cela peut être générateur de contentieux dans certaines entreprises. L’employeur s’exposant à toutes les problématiques périphériques au télétravail. On a de nombreux exemples avec cette marche forcée où cette modalité d’organisation n’est pas synonyme de sécurité juridique. L’employeur peut s’éviter de grandes difficultés en mettant en place un accord pour couvrir ces questions ».

Surtout que les entreprises disposent d’une grande marge de manoeuvre pour négocier depuis l’ordonnance Macron de septembre 2017. « L’article 1222-11 autorise les employeurs à imposer la pratique du télétravail sans qu’il ne s’agisse d’une modification du contrat de travail et sans accord collectif », stipule Benjamin Desaint. Au niveau timing, cet ajustement juridique peut prendre jusqu’à un mois.

Lire aussi L’entreprise doit fournir un ordinateur aux salariés en télétravail

Une mise en place sur-mesure

Cette ingénierie doit également prendre en compte les besoins des entreprises et de leurs collaborateurs. « Le sur-mesure est obligatoire », affirme Benjamin Desaint, avec des négociations de gré à gré. Trois règles s’imposent pour sa mise en œuvre : la première, le télétravail doit s’organiser : il faut jouer entre les rapports individuels, partager les objectifs du projet, les revoir pour qu’ils soient réalisables dans les conditions de travail à domicile, prévoir des temps collectifs et des temps de partage.

Deuxième règle, le télétravail doit s’animer. Hervé Allart de Hees, pdg et fondateur de Delta Process, Tadeo et Acceo, a par exemple mis en place un échange avec l’ensemble de ses collaborateurs une fois par mois. Pour le dirigeant, grâce au télétravail « se renoue à distance une relation de confiance qui rapproche le chef d’entreprise ou le manager des salariés. »

Enfin, la troisième, il s’apprend : il faut acquérir au fur et à mesure des points de repère et ajuster les modalités au fil du temps. « On est dans une phase d’adaptation et de découverte de ce qu’est le télétravail », explique Christian Alliès, directeur de l’Aract Île-de-France (association régionale pour l’amélioration des conditions et la qualité de vie au travail des salariés).

Lire aussi Le télétravail ? Oui, mais à petite dose !

« Ne pas se mettre la pression »

Si « beaucoup de bonnes pratiques ont été recensées, il ne faut pas tirer trop vite les leçons de cette période atypique, avertit de son côté Yves Laqueille, délégué général du GIM, groupement des industries métallurgiques. « Au bout de trois semaines, des entreprises ont vu que certaines situations de télétravail n’avaient plus de sens et ont basculé vers l’activité partielle. On voudrait en faire la panacée et le nirvana alors que le télétravail a montré ses limites. Les accords d’entreprises ne prévoient d’ailleurs rarement plus de 2 jours de travail à domicile », reconnaît-il.

Le sujet va se traiter par le dialogue, l’organisation du travail et le management ». Ainsi, sa mise en pratique peut prendre un à deux ans. « Il ne faut pas se mettre la pression sur le sujet, laisser les choses s’installer naturellement et les piloter », explique Hervé Allart de Hees, président du Medef de l’Est Parisien.

Lire aussi Le rôle de l’inspection du travail pendant la période de déconfinement

Charlotte de Saintignon

Laisser un commentaire

Suivant