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Télétravail : un accident de vélo à l’heure du déjeuner n’est pas forcément un accident de trajet

Dans un récent jugement, le tribunal de judiciaire de Versailles a débouté une salariée victime d’un accident de vélo, dont l’Assurance-maladie avait refusé la « prise en charge […] dans le cadre de la législation relative aux risques professionnels ».

Télétravail : un accident de vélo à l’heure du déjeuner n’est pas forcément un accident de trajet
Il est de jurisprudence constante que ne constitue pas un accident de trajet l’accident dont a été victime le salarié alors qu’il avait quitté le lieu de son travail pour aller acheter dans un magasin voisin des denrées alimentaires qu’il devait consommer sur ledit lieu de travail. © Getty Images

Comment un accident subi par un salarié en télétravail peut-il être qualifié d’accident de trajet ? Dans un jugement rendu le 27 juin dernier, le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles a débouté une salariée réclamant cette qualification au sujet d’un accident de vélo subi au cours de sa pause méridienne.

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Dans sa déclaration d’accident de trajet transmise à l’Assurance-maladie, l’employeur de la salariée avait formulé « des réserves en ces termes : « déplacement personnel hors contexte travail (allait faire des courses, n’allait pas déjeuner). Journée en télétravail » », rapporte la juridiction.

« Refus de prise en charge de l’accident » par la CPAM des Yvelines

La Caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) des Yvelines avait notifié à la salariée, « par courrier daté du 17 février 2023, un refus de prise en charge de l’accident dans le cadre de la législation relative aux risques professionnels, au motif que « La preuve que l’accident déclaré se soit produit pendant le trajet aller ou retour du travail n’est pas apportée » ».

La salariée avait « saisi la commission de recours amiable de la caisse ». Après rejet de sa demande par cette instance, le 15 juin 2023, elle avait agi devant « le pôle social du tribunal judiciaire de Versailles afin de contester la décision de rejet de la commission de recours amiable ».

Sans avocat, développant sa requête à l’oral, la salariée avait indiqué :

  • pratiquer le télétravail 2 jours par semaine en raison d’un temps de trajet en transport en commun de 3 heures entre son domicile et son lieu de travail ;
  • avoir l’habitude de prendre le bus pour acheter des denrées alimentaires durant la pause de midi, mais s’être rendue à vélo dans un marché en raison d’une pénurie d’essence ;
  • avoir chuté de sa machine en rentrant chez elle.

Elle avait argué qu’en l’absence de cantine, son employeur mettait « à la disposition des salariés des tickets-restaurant pour leur permettre de déjeuner en dehors du lieu de travail, précisant badger à chaque début et fin de pause, ce qu’elle a fait ce jour-là ».

La CPAM des Yvelines affirmait notamment que « les déclarations de l’assurée sont insuffisantes pour apporter la preuve que l’ensemble des conditions pour bénéficier d’une reconnaissance d’un accident du trajet sont remplies ».

Pourquoi la qualification d’accident de trajet ne peut s’appliquer

Les juges donnent raison à l’Assurance-maladie, au détriment de la salariée. Ils rappellent que l’article L. 411-2 du code de la Sécurité sociale permet d’accorder la qualification d’accident de trajet à « un accident survenu entre le lieu de travail et lieu où le salarié prend habituellement ses repas ». Ils soulignent l’absence de production par la salariée d’« élément permettant d’établir le déroulement habituel de sa pause-déjeuner, notamment » durant ses jours de télétravail. La salariée n’a pas prouvé s’être trouvée, au moment de son accident, « sur un trajet protégé, à savoir qu’elle empruntait de manière habituelle, entre son domicile, en qualité de lieu de travail, et son lieu de restauration, lors de la survenance de l’accident déclaré ».

Pour aboutir à cette solution, le tribunal judiciaire de Versailles s’appuie sur des précédents. Selon lui, « il est de jurisprudence courante que ne constitue pas un accident de trajet l’accident dont a été victime le salarié alors qu’il avait quitté le lieu de son travail pour aller acheter dans un magasin voisin des denrées alimentaires qu’il devait consommer sur ledit lieu de travail ». En l’espèce, l’accident ne saurait être regardé « comme survenu au cours d’un trajet entre le lieu du travail et celui où le travailleur prend habituellement ses repas ».

La Chambre sociale de la Cour de cassation, juge du droit et non des faits, avait statué dans le cadre de deux affaires où une salariée avait pour lieu de travail les locaux de son entreprise et non son domicile (Cass. soc., 3 oct. 1979, n° 78-10.509 ; Cass. soc., 23 mars 1995, n° 92-21.793).

L’essor de la pratique du télétravail depuis la crise sanitaire due à la pandémie de Covid-19 va-t-il induire une modification des textes et de la jurisprudence au bénéfice des salariés ?

Comment la loi définit l’accident de trajet

L’article L. 411-2 du code de la Sécurité sociale délimite l’accident de trajet. « Est également considéré comme accident du travail, lorsque la victime ou ses ayants droit apportent la preuve que l’ensemble des conditions ci-après sont remplies ou lorsque l’enquête permet à la caisse de disposer sur ce point de présomptions suffisantes, l’accident survenu à un travailleur […], pendant le trajet d’aller et de retour, entre :

1°) la résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d’ordre familial et le lieu du travail. Ce trajet peut ne pas être le plus direct lorsque le détour effectué est rendu nécessaire dans le cadre d’un covoiturage régulier ;

2°) le lieu du travail et le restaurant, la cantine ou, d’une manière plus générale, le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas, et dans la mesure où le parcours n’a pas été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l’intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l’emploi. »

Timour Aggiouri

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