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Comment fidéliser un client ? (2)
Pourquoi le client est-il devenu de plus en plus zappeur ? Dans ce deuxième volet de notre saga sur la fidélisation, nos experts reviennent sur la mutation des comportements des clients sous l’influence des nouveaux modes de communication et des réflexes induits par le low cost....
Le temps du client confiant et naturellement prédisposé à la fidélité est révolu. Les clients du vingt-et-unième siècle, surinformés, sont familiarisés avec les méthodes marketing et ont pris conscience de leur valeur, tout comme de leur pouvoir dans environnement de plus en plus concurrentiel. Dans ce deuxième volet de notre saga sur la fidélisation, nos experts reviennent sur la mutation des comportements des clients sous l’influence des nouveaux modes de communication et des réflexes induits par le low cost.
Comme le souligne Ange-Pierre Poilane, consultant en développement commercial, fondateur du cabinet Affaires & Mission : « Il nous suffit d’ouvrir notre boîte mails, notre radio ou notre journal pour nous rendre compte que la communication pour nous séduire est de plus en plus forte. En parallèle, nous pouvons lire partout que nous avons raison :
- De demander davantage,
- D’être exigeants,
- D’expérimenter de nouveaux produits ou de nouvelles marques,
- De mettre nos fournisseurs habituels en concurrence…
À cela, s’ajoute le chant des sirènes d’internet :
- Des produits moins chers,
- Capable de traverser la planète et d’être livrés dans nos boîtes aux lettres en moins de 5 jours, et sans frais…
Internet participe au changement des mentalités et redistribue pas mal les cartes de pans entiers de l’économie.
Internet fournit également un autre levier qui peut être extrêmement puissant ou extrêmement destructeur pour l’entreprise. Il s’agit de la e-réputation.
« Qui de vous n’a pas un jour regardé ce que Google, Facebook ou Viadeo, annonce sur sa société ou sur son propre nom ? Qui de vous n’a pas un jour regardé ce que Google raconte sur un produit ou la qualité d’un service ? » interroge Ange-Pierre Poilane.
Nous l’avons probablement tous fait et, grâce à cela, avons fondé une décision ou décidé d’acheter ou non ! Maîtriser les nouveaux médias et utiliser différents canaux pour vendre, fait désormais partie intégrante des stratégies de vente et de fidélisation !
Philippe Guiheneuc, Directeur de stratégie clients de Webleads Tracker, pointe de son côté l’influence du low cost sur les comportements des clients : Ce n’est pas une problématique récente (l’opposition bas prix et différenciation par la qualité existe de longue date) mais c’est une problématique d’actualité. D’une part les innovations web ont permis de réaliser des coûts de dématérialisation importants, d’autre part nous sommes en période de crise, ce qui favorise l’émergence des modèles low cost. Comme, récemment, Free mobile. On voit bien que le low cost met terriblement à mal la politique de fidélisation: d’une part les clients partent en masse des opérateurs historiques, d’autre part ces mêmes opérateurs abandonnent leurs programmes de fidélité classique, par points (comme Orange qui va probablement abandonner les points clients). De même dans l’aérien, où les programmes de cartes sont de plus en plus décriés.
Mais si on y réfléchit bien, on voit qu’en fait le low cost ne tue qu’une certaine stratégie de fidélisation: celle qui est basée sur la récompense. Vous êtes un bon client fidèle, donc je vous donne des points grâce auxquels vous pourrez acheter de nouvelles choses Quand, face à la promesse d’avoir une somme bonus plus tard, on vous propose du low cost immédiatement, vous n’hésitez pas. Mais à l’inverse, les stratégies de fidélisation par l’intensification, qui misent sur le renforcement de la relation entre l’entreprise et son client, sont moins touchées par l’impact low cost.
Ce que confirme l’analyse d’Ange-Pierre Poilane : « Face aux évolutions de mentalités et aux foisonnements des offres, les entreprises ont un véritable intérêt à resserrer les liens avec leurs clients et à rendre lisibles leurs différences.
- effectuer un vrai travail de différenciation de leurs offres,
- afficher leurs valeurs,
- mettre en avant la qualité et les services qu’elles proposent,
- satisfaire pour que cette satisfaction se traduise en loyauté.
Il est important de signaler que ce qu’attendent les clients, ce n’est pas l’amélioration globale de la qualité de service, mais bien la qualité irréprochable des services qu’ils attendent ; sinon, le taux de satisfaction n’augmente pas !
Sans différences visibles ou mesurables sur les services attendus, l’attrait du net et du low cost peut plomber les résultats.
D’où les conséquences sur les comportements clients tels qu’énumérés par Philippe Guiheneuc :
* ils se sont professionnalisés dans leur recherche initiale et dans leu capacité à négocier. Ils sont plus volatiles et plus durs en affaires.
* ils sont plus exigeants. Il y a 10 ans, on pouvait mesurer une très forte corrélation entre satisfaction et fidélité. Le cabinet Diffway avait fait une étude qui avait montré que le taux de fidélité correspondait à peu près au déclaratif de satisfaction, avec cette précision importante: si un client se déclarait satisfait, il avait 45% de chances seulement de se réabonner. Il fallait qu’il se soit déclaré très satisfait pour que le taux passe à plus de 80%. Mais aujourd’hui, cela ne suffit plus. Comme le souligne Christian Barbaray d’Init Satifaction, la formule de fidélisation dépend désormais d’un autre facteur: l’attachement à la marque. C’est plus affectif qu’avant. Cela s’explique par l’évolution des comportements d’achat: bardés d’informations, soumis à une pression plus importante, les acheteurs cherchent les valeurs refuge. Celles qui ont pignon sur rue, qui rassurent.
Conséquence: la fidélité s’est globalement amoindrie. En 2012, 61 % des consommateurs français ont changé de fournisseur suite à une prestation ou à un service insuffisant, contre 53 % en 2010: l’étude Accenture «Global Consumer Research Study»(1) sur la satisfaction client révèle une infidélité grandissante des consommateurs.
Mais c’est assez divers selon les secteurs. Malgré l’ouverture à la concurrence et diverses mesures destinées à faciliter l’entrée de nouveaux fournisseurs, EDF a gardé 94% de sa clientèle. En cause: presque impossible de jouer sur les prix dans un marché très règlementé; et incapacité des fournisseurs à se différencier par le service, face à une entreprise qui jouit d’une image de marque fabuleuse, d’un niveau de satisfaction de 83%, et qui continue d’innover dans la fidélisation (avec par exemple une app mobile)
De fait, la faute ne repose pas seulement sur l’évolution des comportements, mais aussi sur les marques.
Lors du dernier emarketing awards, aucun projet n’a remporté la palme, car je cite « les projets présentés n’atteignaient pas “le niveau d’excellence attendu par le jury” ». Les projets étaient trop similaires, et presque tous basés sur une carte de fidélisation et du gaming. Ca manque d’innovation, un peu comme si les équipes craignaient, en cette époque de crise, de se lancer dans des programmes ambitieux….
A suivre.
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