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Mettre en place le droit à la déconnexion
Issu de la loi Travail d'août 2016, le droit à la déconnexion tente de prendre en compte la généralisation des nouvelles technologies dans les usages de travail des salariés. Côté employeur, il implique avant tout une obligation de négocier.
Une obligation de négocier
Le droit à la déconnexion n’est pas précisément défini par la loi. Pour le salarié, il recouvre une sorte de droit au repos numérique, c’est-à-dire la possibilité de ne plus être connecté aux outils numériques de l’entreprise en dehors de ses heures de travail. Pour l’employeur, le droit à la déconnexion renvoie à l’obligation d’inclure dans les négociations collectives annuelles les modalités d’exercice de ce droit par les salariés et la mise en place d’une régulation de l’utilisation des outils numériques.
La rédaction d’une charte à défaut d’accord
Négocier ne signifie pas aboutir. Si la direction ne parvient pas à trouver un accord avec les représentants du personnel, une charte doit être rédigée en interne pour expliquer les modalités de déconnexion qui sont mises en place dans l’entreprise. On pourra commencer par un diagnostic interne des habitudes de communication de vos salariés et de leurs besoins.
Remarque : un tel diagnostic, les enquêtes et les bilans qui l’accompagnent commandent une consultation du CSE et une déclaration préalable à la CNIL en cas de traitement de données personnelles.
La charte est élaborée après l’avis du comité d’entreprise ou à défaut des délégués du personnel. Elle est élaborée après l’avis du CSE (et de sa commission santé, sécurité et conditions de travail lorsqu’elle est constituée). Elle doit ensuite être annexée au règlement intérieur.
Le droit de débrancher s’applique aussi en PME
La loi ne définit pas expressément de seuil d’effectif pour fixer l’obligation de négocier le droit à la déconnexion. En pratique, la présence de délégués syndicaux (DS) est indispensable pour négocier, or leur désignation n’est possible que dans les entreprises de plus de 50 salariés. Cependant, un membre du CSE peut être désigné délégué syndical par une organisation syndicale représentative dans les entreprises où l’effectif est inférieur à 50. Les PME sont donc elles aussi concernées par le droit à la déconnexion.
Un droit qui concerne (presque) tous les salariés
Le droit à la déconnexion concerne l’ensemble des salariés de l’entreprise. Bien sûr, il vise en premier lieu les professions intellectuelles qui échangent des e-mails et utilisent un smartphone qu’ils peuvent consulter chaque jour et à toute heure.
La question est épineuse pour les cadres dirigeants dont le haut niveau de responsabilités peut conduire à devoir gérer des urgences en dehors des heures de travail. En théorie, les cadres dirigeants échappent à la règlementation du temps de repos, mais la loi ne les exclut pas expressément du droit à la déconnexion. Chaque entreprise devra donc trouver le bon dosage pour que ces salariés puissent exercer leurs responsabilités. Il est recommandé de trancher la question, car à défaut, cela pourrait remettre en cause la validité des conventions de forfait de ces cadres.
Les mentions fondamentales de la charte
Vous pouvez soit introduire le droit à la déconnexion dans la charte de bonne utilisation des outils informatiques, soit rédiger une charte autonome. Dans les deux cas, le document devra comporter une affirmation du droit à la déconnexion et un renvoi aux références légales. Vous pouvez également indiquer que le droit à la déconnexion a pour objectif d’aider les salariés à séparer vie professionnelle et vie privée, et ainsi de veiller à leur bon équilibre et à leur santé. N’hésitez pas à ajouter une mention selon laquelle l’employeur contribue ainsi au respect du droit au repos des salariés. On peut préciser également que le droit à la déconnexion s’applique pendant la durée des arrêts maladie des salariés. Enfin, la loi prévoit que la charte définit la mise en œuvre d’actions de formation et de sensibilisation du personnel à l’usage raisonnable des outils numériques.
Les modalités concrètes à prévoir
Certaines entreprises ont prévu l’interdiction de répondre aux sollicitations passée une certaine heure. D’autres ont mis en place des systèmes informatiques bloquant l’émission/réception des e-mails en dehors des heures de travail, à l’aide par exemple d’une coupure des serveurs. De telles mesures peuvent poser problème dans les entreprises à effectif réduit, celles qui embauchent du personnel de nuit, ou encore celles qui réalisent des opérations dans d’autres pays avec des horaires décalés. L’apparition d’une fenêtre « pop-up » qui rappelle qu’au-delà d’une certaine heure, un mail tardif peut laisser la place à un appel le lendemain suffit à rappeler la règle aux salariés et les laisse libres de gérer leurs éventuelles urgences. Mettre en place une collaboration étroite entre le service des ressources humaines et le service informatique permettra de trouver des solutions adaptées au profil du personnel et à l’activité de l’entreprise.
L’exemple de l’e-mailing compulsif : attirer l’attention sur les envois compulsifs de mails incitera les salariés à échanger plus directement entre eux, à passer la tête dans un bureau plutôt que d’envoyer un mail. Il suffit également de décocher l’option « répondre à tous » lorsque tous les destinataires potentiels ne sont en réalité pas concernés (ou seulement de loin) par le message en question.
Une question de management et de culture d’entreprise
N’est-ce pas en premier lieu aux managers de donner l’exemple ? En règle générale, les bonnes pratiques des cadres rejaillissent sur les personnes dont ils ont la charge. Pensez donc à les convier à des réunions de sensibilisation qui leur permettront d’échanger sur ces sujets et de commencer par déconnecter eux-mêmes le soir et le week-end. Il sera ainsi plus facile pour les salariés de prendre conscience des temps de repos pour eux-mêmes et pour les autres.
La loi ne prévoit pas de sanction pour le non-respect du droit à la déconnexion, mais les juges ont affirmé qu’un salarié ne peut pas être licencié pour faute s’il n’a pas répondu à des sollicitations professionnelles en dehors de son temps de travail. C’est sur le terrain contentieux que se situe le risque du droit à la déconnexion pour l’employeur. Un salarié contraint de répondre à des e-mails nocturnes pourra attaquer l’entreprise sous l’angle du non-respect du repos hebdomadaire, du harcèlement moral ou du « burn-out ». L’employeur a donc tout intérêt à respecter le droit à la déconnexion, à prévoir des actions de prévention en amont et à prendre des mesures immédiates s’il prend connaissance de situations à risque.
Droit à la déconnexion et télétravail
Ces deux injonctions semblent paradoxales : limiter la connexion des salariés d’un côté et encourager le travail à domicile de l’autre. Alors que le télétravail peinait à s’imposer en France, la crise sanitaire de la Covid-19 a conduit à son développement rapide. Les organisations syndicales et patronales ont conclu le 26 novembre 2020 un Accord national interprofessionnel (ANI) dédié, ensuite étendu par arrêté du 2 avril 2021. Dans l’état des lieux qui a précédé l’ouverture de la négociation, l’ANACT a souligné que les risques du télétravail sont nombreux : « surconnexion », porosité entre la vie personnelle et la vie professionnelle, charge de travail ; mais que les avantages le sont également, y compris dans l’autonomie plus importante laissée aux salariés. |
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