Interview
Guillaume Benech : « Entreprendre très jeune permet de bénéficier de ce grain de folie que l’on perd quand on vieillit »
Du haut de ses 17 ans, Guillaume Benech est l’auteur de trois romans, possède son propre magazine culturel papier, a créé une maison d’édition portant son nom et a même animé une chronique littéraire lors de la dernière saison du Grand Journal sur Canal +. Rencontre avec le plus jeune entrepreneur de France.
Comment vous est venue l’idée de créer, à 12 ans, votre propre magazine, puis votre maison d’édition ?
À 12 ans, j’ai gagné le prix littéraire du journal de Mickey. Le fait d’avoir vu le fonctionnement d’une rédaction et d’y avoir pris part m’a donné envie de continuer. J’ai alors créé avec ma meilleure amie, L’Petit Mardi : un magazine littéraire écrit par des jeunes de 16 à 20 ans, non journalistes professionnels. Au départ il était uniquement disponible sur le net, puis on a peu à peu acquis une base de 50 000 lecteurs. Aujourd’hui, notre journal est distribué gratuitement en Normandie. Nous y avons intégré la notion de réalité augmentée grâce à un partenariat avec SnapPress : les lecteurs peuvent, en scannant la page, avoir accès à du contenu additionnel. Le flashcode est désormais « has been ». En septembre prochain, L’Petit Mardi sera disponible dans les kiosques nationaux pour 90 centimes. L’idée est de donner envie à la jeunesse de s’intéresser à toute la culture : il n’y a pas que les blockbusters qui existent.
À 14 ans, j’ai lancé ma maison d’édition sous le statut associatif car je n’avais que 16 ans. Ce sont mes parents qui ont pris la présidence, que j’ai récupérée depuis. Elle m’a permis d’éditer mon premier roman le 20 août 2014. Le premier tome n’a pas bien fonctionné. C’est une interview de France Bleu qui m’a fait décoller : les apparitions nationales se sont enchaînées à Europe 1, BFM TV, Canal +… c’est ce qui m’a permis de me faire connaître. Aujourd’hui ma maison d’édition publie quatre autres auteurs de 45 ans à 75 ans. Mais avec le statut d’association, ça devenait compliqué de faire du profit… du coup j’ai monté une SASU pour pouvoir développer mes différents projets. Ma maison d’édition restera une association qui publiera bientôt des livres à destination de la jeunesse écrit par des jeunes et vendus à moins de 10 euros.
Quels sont les avantages d’entreprendre très jeune ?
Je n’ai rien à perdre. Je n’ai pas de famille à nourrir et je vis chez mes parents. Je ne pense pas que l’on puisse avoir autant de liberté lorsque l’on entreprend à 40 ans. Être jeune nous permet aussi d’avoir ce côté un peu fou qui fonctionne bien et que l’on perd quand on vieillit. Enfin, un entrepreneur mineur plaît beaucoup à la presse : je ne pense pas que l’on parlerait autant de moi si j’étais un peu plus vieux.
Y-a-t-il aussi des inconvénients ?
Bien sûr ! Les démarches administratives, d’abord, sont beaucoup plus difficiles à réaliser pour un mineur. En France, on peut entreprendre à partir de 16 ans mais l’administration n’y est pas adaptée. Faire un prêt pour son entreprise est, par exemple, très compliqué à cet âge. En tant qu’entrepreneur il faut aussi traiter des papiers administratifs complexes. J’ai eu beaucoup de mal à me plonger dans le bain des impôts, de la TVA… c’est pourquoi j’engage un expert-comptable à la rentrée.
Il m’arrive aussi d’être pris de haut à cause de mon jeune âge. Cela ne concerne généralement pas les autres entrepreneurs mais ça vient plutôt des journalistes et des investisseurs. De même, plein de clichés subsistent sur les jeunes qui réussissent : ils sont forcément des « fils de bourges ». Ça me met hors de moi ! J’ai commencé avec 100 € et aujourd’hui c’est moi qui donne des contacts professionnels à mes parents. Je ne leur ai jamais rien demandé. En France, on n’apprécie pas le fait que des jeunes peuvent mieux réussir que leurs aînés.
Quels entrepreneurs vous inspirent ?
Guillaume Gibault (fondateur du Slip Français), Mathieu Gallet (PDG le plus jeune de l’histoire de Radio France) qui, même s’il n’est pas à proprement parler entrepreneur a un parcours impressionnant et Emmanuel Macron qui a donné à son mouvement « En Marche ! » une dimension plus startup qu’un véritable parti politique. Le côté assez dingue du parcours de Xavier Niel, qui a commencé par du Minitel rose avant de faire fortune m’attire aussi beaucoup.
Quels conseils donneriez-vous aux très jeunes entrepreneurs comme vous ?
Il faut toujours saisir les opportunités qui se présentent à vous. Les Français hésitent souvent à accepter une proposition parce qu’ils ont peur de faire le mauvais choix. Personnellement, lorsqu’une rencontre m’offre une belle opportunité, je me dis que c’est le destin, que je dois le faire. Je pense que la nouvelle génération comprend ça. Si les jeunes veulent réussir, ils doivent se bouger eux-mêmes.
Propos recueillis par Melissa Carles
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