Interview
Karine Boyer-Kempf, fondatrice des Princesses de Marie, à Lyon
En quelques mois d’activité, le concept de Karine Boyer-Kempf, qui consiste à favoriser le développement de l’imaginaire chez les enfants, a su aiguiser la curiosité de sa cible, mais aussi de grands noms de l’édition jeunesse. Encouragée dans sa démarche, la créatrice cherche aujourd’hui à passer la vitesse supérieure avec une levée de fonds…
Quelle est votre activité ?
Je suis dans les licences pour enfants, un secteur occupé par des géants comme Disney, Barbie ou Hello Kitty. Je suis rentrée sur ce marché alors que je venais du monde de l’industrie lourde, où j’étais chargée des relations publiques. Mais j’ai toujours dessiné et je me suis toujours sentie proche des enfants. Jusqu’au jour où d’autres parents m’ont demandé de faire quelque chose pour eux.
Je me suis alors intéressée aux grandes marques, en me demandant comment elles avaient fait pour arriver à un tel succès et je me suis aperçue qu’elles avaient toutes utilisé un canal spécifique : Disney a d’abord commencé avec le dessin avant le dessin animé, Harry Potter avec le livre avant le film, etc. Chacun suivant les moyens de l’époque et du propriétaire de la marque.
Comme je n’avais pas les moyens de me lancer dans l’édition ou le cinéma qui nécessitent des budgets colossaux et dans lesquels la concurrence est acharnée, je me suis posée la question de savoir ce qui pourrait m’apporter une notoriété immédiate. La réponse était évidente : internet. J’ai donc créé un site, ainsi qu’un blog.
Vous avez reçu un prix de l’innovation pour votre concept*. En quoi consiste-t-elle ?
Je n’ai pas de brevet, mais dans le cas des Princesses de Marie, il faut voir l’innovation autrement, sur le plan social, au sens où au départ de cette aventure, il y a eu un travail collectif avec une cinquantaine d’enfants. Cela a donné lieu à un personnage magique et intemporel, une princesse, à partir duquel j’ai imaginé un conte qui permet à chaque enfant de créer son histoire.
Il existe déjà de nombreux sites internet à destination des enfants, mais, d’une part ils ne préservent pas forcément l’imaginaire des enfants, et d’autre part, beaucoup ne sont pas du tout sécurisés. C’était un gros parti pris de ne pas vouloir de lien commercial sur mon site, mais c’était important pour moi que les enfants ne soient pas pollués et aussi de rassurer les parents.
Quel est votre modèle économique ?
« Les princesses de Marie » cible les enfant de 4 à 10 ans. Le site est aujourd’hui divisé en deux parties. L’une, gratuite, avec trois princesses qui ont leur papeterie associée : les enfants peuvent la télécharger et l’utiliser librement chez eux. L’autre partie, avec une inscription préalable nécessitant l’accord parental, permet à l’enfant de créer son personnage de princesse, et ensuite de le décliner en coloriages, invitations, papier à lettre, jeux, etc. C’est un outil de création assistée.
J’ai obtenu un prêt d’honneur pour me lancer et il fallait que je justifie d’un modèle économique pour que mon aventure n’apparaisse pas trop risquée. Au départ, je me suis donc basée sur les abonnements et la création d’une e-boutique. J’y vends des produits dérivés de la marque, personnalisables, en coton bio issu du commerce équitable.
Mais j’avais aussi un deuxième business model, qui me plaisait davantage parce qu’il est plus créatif, et qui s’appuyait sur les contrats de licence. La bonne surprise, c’est qu’aujourd’hui la situation s’est complètement renversée : 60 % de mon chiffre d’affaires est issu des royalties perçue grâce aux deux contrats de licence que j’ai signés, l’un dans l’édition et l’autre pour des déguisements.
Etes-vous satisfaite du démarrage de votre activité ?
J’ai fait un gros travail de référencement au départ qui s’avère payant aujourd’hui : créé il y a quelques mois, le site reçoit 4500 visiteurs uniques mensuels et je m’aperçois que ces visiteurs sont très fidèles. N’ayant pas de lien commercial, il m’étais très difficile de faire des prévisions. J’étais partie sur un public de petites filles et, surprise, je me suis aperçue que le site était fréquenté par 30 % de garçons…
L’autre point fort, c’est que mon public n’est pas que français : il y a des visiteurs du Québec, d’Afrique du Nord, de Belgique… Ainsi, pour dix Français qui viennent, j’ai une visite de Québécois.
Avez-vous été accompagnée ?
Oui, par la région Rhône-Alpes. J’ai bénéficié du programme « Si PME » qui permet d’être accompagné pendant 9 mois dans l’intégration des technologies de l’information. J’ai suivi des cours de logistique, droit international, droit numérique, e-réputation… et j’ai ainsi pu bénéficier du maximum de connaissances pour lancer mon site, puis le blog. Grâce à cette formation qui m’a été très bénéfique, j’utilise aussi beaucoup les réseaux sociaux.
Comment travaillez-vous ?
Je travaille seule, mais je me suis entourée d’une dizaine de prestataires qui doivent partager les valeurs de mon concept, c’est-à-dire authenticité, complicité et rêve.
Je suis fière d’avoir lancé et fait grossir Les Princesses de Marie toute seule et je veux que cela reste une belle histoire. Je me fait « draguer » par de gros éditeurs et j’avoue ne pas savoir comment faire. Je ne voudrais pas me faire piller… Dans l’idéal, j’aimerais travailler avec des acteurs ludo-éducatifs qui ont encore à leur tête les propriétaires car je me suis aperçue que les valeurs n’étaient pas les mêmes. Ils savent ce que c’est que l’entrepreneuriat alors que les PDG nommés par des actionnaires ne comprennent souvent rien d’autres que les indicateurs financiers.
Quels sont vos prochains projets ?
Je veux poursuivre le développement du site et les contrats de licence. Dans cette optique, je recherche un incubateur et je travaille sur une levée de fonds de plusieurs millions d’euros. Elle me permettra de me développer géographiquement et stratégiquement, notamment sur les tablets et smartphones.
* Concours Initiative O Féminin organisé par Rhône-Alpes Initiative et Rhône-Alpes Active
Propos recueillis par Nelly Lambert
Rédaction de NetPME
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