Interview
Mehdi Houas, PDG cofondateur de Talan
Serial entrepreneur dans les nouvelles technologies, Mehdi Houas, 47 ans, dirige sa quatrième entreprise, Talan, qu’il espère bien introduire en Bourse. C’est aussi un citoyen engagé, qui témoigne que la diversité est une chance pour la France.
Talan est votre quatrième entreprise. Pouvez-vous nous parler de vos précédentes expériences d’entrepreneur ?
Mehdi Houas : Mon expérience a deux fils conducteurs : j’ai créé quatre structures dans le domaine du conseil en nouvelles technologies, et toujours avec les mêmes associés, Éric Benamou et Philippe Cassoulat, qui m’entourent aujourd’hui chez Talan. Notre première entreprise, Telease consulting, était une société de conseil dans les télécoms (je suis ingénieur télécom de formation),. Cette structure a ensuite fusionné avec une autre SSII pour devenir Valoris, une société que nous avons portée, en huit ans, de 150 à 1200 salariés avant de la revendre. Au moment de la bulle Internet, nous avons constitué un fonds d’investissements qui nous a permis de lever 60 millions d’euros en cinq semaines ! Trois des sociétés écloses grâce à ce fonds existent encore aujourd’hui. Talan, fondée en 2002, est une société de conseil spécialisée dans l’intégration des NTIC dans le domaine de la relation client.
L’esprit entrepreneurial, c’est important pour vous ?
Pour moi, il est essentiel, c’est même l’une des valeurs fondatrices de Talan, et nous essayons de faire partager cet esprit d’entreprise à nos 200 consultants. Concrètement, nous expliquons à nos collaborateurs que c’est la croissance qui pourra leur donner de nouvelles opportunités, et nous les impliquons dans le développement de l’entreprise. Les consultants sont par exemples intéressés à l’obtention de nouvelles missions chez nos clients. Nous favorisons toutes les initiatives individuelles visant la croissance : l’ouverture de nos bureaux à New York et à Hong Kong répond à la demande de consultants qui souhaitaient se lancer dans cette aventure. Trois « spin off » sont déjà nées de Talan, et, là aussi, nous avons apporté un vrai soutien à leurs fondateurs. Talan a été leur premier client, et nous leur avons assuré une possibilité de réintégration en cas d’échec. Mais les trois sociétés sont bien parties !
Qu’est-ce qui favorise l’adhésion de vos salariés à cet esprit d’entreprise ?
Pour moi, c’est la compréhension de la logique économique d’une entreprise. À chaque embauché, nous expliquons les fondamentaux (comment se construit le compte de résultat d’une société) et les règles de répartition de la richesse. Chez Talan, la transparence est un choix: tout le monde (les salariés, mais aussi les clients) connaît le chiffre d’affaires, le système de tarification des consultants et le taux de marge. Cela permet d’éclairer et de responsabiliser le salarié : chacun gagne à la hauteur des efforts qu’il fournit. Mais nous croyons aussi que celui qui gagne plus va aspirer ses collègues vers le haut. Oui à la performance individuelle à condition qu’elle s’accompagne d’un esprit d’équipe.
Sur les 200 consultants de Talan, 22 pays d’origine sont représentés. C’est une volonté délibérée de promouvoir la diversité ?
Ce n’est pas une volonté mais plutôt un état d’esprit, à l’image de notre trio fondateur aux origines juive, catholique et musulmane ! Et il n’y a rien de philanthropique dans cette démarche. A l’heure de la mondialisation, vous aurez plus de chances de réussir en Chine si vous y envoyez un Français d’origine chinoise plutôt qu’un breton… et je n’ai rien contre les bretons ! Récemment, nous avons accompagné la Société générale qui avait acquis une banque en Tunisie : nous étions heureux de pouvoir lui proposer des consultants d’origine tunisienne, diplômés des grandes écoles françaises, ayant l’avantage de maîtriser les méthodologies habituellement utilisées en France et de bien connaître la culture et la mentalité de la Tunisie. Ils ont accompli un excellent travail là-bas.
La diversité, pour vous, c’est donc une réalité positive ?
Complètement. Je suis persuadé que la diversité est une chance pour la France, même si elle ne s’en rend pas encore bien compte, et qu’elle doit l’utiliser à bon escient pour gagner la bataille de la mondialisation. Pourquoi la diversité est-elle vécue comme un problème chez nous ? Parce qu’on nous parle toujours des mauvais exemples, des clichés des jeunes de banlieue qui mettent le feu aux voitures. Je crois au contraire qu’il faut montrer les réussites qui donneront envie et espoir. Parce qu’il est plus facile de devenir un Mehdi Houas qu’un Zidane ou un Djamel Debouze qui tous deux, en plus de leur travail, ont un immense talent ! C’est pour cette raison que j’ai rejoint le Club XXIe siècle, une association de 250 membres de toutes origines et de tous horizons (chefs d’entreprises, mais aussi hauts fonctionnaires, chercheurs, universitaires), qui veulent montrer par l’exemplarité que la diversité est justement une chance pour notre pays.
Vous participez, au sein du club, à l’opération « Talents des cités » Quel est votre rôle ?
Talents des cités, qui en est à sa sixième édition, cherche à aider les personnes qui, dans les zones sensibles, ont envie d’entreprendre mais n’ont pas accès aux leviers nécessaires (réseau, financement, etc.). Après une sélection des dossiers, les douze lauréats nationaux présentent leur projet au Sénat et bénéficient d’un accompagnement par une entreprise sponsor. Nous les aidons à préparer ce grand oral par l’intermédiaire de séances de coaching personnalisées réalisées par des membres du Club. De plus, cette année, au sein du club XXIe siècle, nous avons créé avec Planète finances un fonds d’investissement pour contribuer à pérenniser les entreprises lauréates, à l’issue de l’accompagnement initial d’un an. Ce fonds, Financités, est un vrai fonds d’investissement, dont l’objectif est d’investir de l’argent pour en gagner. Les porteurs de projet doivent nous convaincre, nous montrer qu’ils sont de vrais entrepreneurs. Ce n’est ni une opération de façade, ni de l’assistanat. C’est le message positif que je souhaite faire passer : ces entreprises sont des entreprises comme les autres.
Propos recueillis par Marie-Pierre Noguès Ledru
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