Interview
Patrice Thiry, PDG fondateur de ProwebCE
Patrice Thiry, 35 ans, est le PDG fondateur de ProwebCE, société qui équipe les CE en outils de gestion et de communication. Fondée en 2000 en plein boom Internet, ProwebCE a vécu des débuts difficiles mais connaît aujourd’hui une forte croissance. C’est pour accélérer son développement que Patrice Thiry a introduit l’entreprise en Bourse, en juillet dernier.
Qu’est-ce qui vous a conduit à créer ProwebCE ?
Patrice Thiry : J’ai démarré en 2000, en plein boom de l’Internet. Pour moi qui souhaitais depuis toujours créer une entreprise, c’était le bon moment. A l’époque, il était facile de trouver des fonds : nous avons obtenu dix millions de francs (1,5 million d’euros) auprès de business angels et d’un capital risqueur. C’est ce qui nous a permis de démarrer.
Vous étiez jusque là responsable de la zone Europe et Asie pour des vêtements de sport : quel rapport avec les comités d’entreprise ?
Aucun, je vous le concède ! L’activité de la société est le fruit d’une pure approche marketing. Au moment où nous avons démarré, les projets B2C n’avaient déjà plus tellement la cote. Moi et mes deux associés fondateurs avons donc cherché un projet B2B, et une cible de clients. Après plusieurs brainstorming, nous avons identifié la niche des comités d’entreprise, sous-équipés en système d’information. Les CE représentent un énorme marché : ils sont 38 000 en France, mais n’intéressent pas vraiment les gros acteurs sur marché du progiciel, comme SAP. ProwebCE leur propose un équipement complet, comprenant une suite ecommerce, un système de gestion et un Intranet, des outils qui couvrent l’ensemble de leurs activités.
Le démarrage de l’activité a dû être facile, grâce à votre levée de fonds ?
Détrompez-vous ! Les fonds nous ont permis d’embaucher une équipe technique nécessaire pour créer notre produit, c’est-à-dire la plate forme que nous comptions vendre aux CE. Mais nous avons sous-estimé le temps nécessaire pour la concevoir. Il nous a fallu acquérir toute la compétence métier (les CE ont un fonctionnement particulier), et nous n’avons finalement été opérationnels qu’en 2003, au lieu de 2002, comme nous l’avions prévu. Inutile de vous dire que l’année 2002 a été très tendue ! Nous avions les huissiers de l’Urssaf à notre porte, et mes deux associés ont préféré vendre leurs parts.
Vous, vous avez continué à y croire ?
Oui, et j’ai bien fait, car dès 2003, le business a décollé et nous avons conclu l’année à l’équilibre. En 2004, nous étions déjà bien rentables. En 2006, notre chiffre d’affaires était de 2.4 millions d’euros, avec 20% de résultat net. Et la croissance continue : nous signons 15 nouveaux clients chaque mois.
Vous vous êtes introduit en Bourse en juillet 2006, pourquoi ?
Pour accélérer notre croissance, à la fois grâce à la croissance organique, mais aussi pour faire de la croissance externe. Nous souhaitons consolider un marché qui comprend aujourd’hui beaucoup de petits acteurs. Le rachat de concurrents nous permettra de maximiser notre croissance. Nous avons aujourd’hui 800 clients. Mon objectif est d’arriver à 5000. Ce qui représente un sérieux défi : concilier l’hypercroissance et la satisfaction des clients.
Pourquoi rechercher des fonds en bourse et pas auprès de capital-risqueurs ?
Parce que l’introduction en Bourse est plus rapide que le recours au capital-risque. Nous avons signé avec une société de Bourse en avril, et le 3 juillet, ProwebCE affichait sa première cotation. Le processus est beaucoup plus long, et consommateur de temps, si on s’adresse à des capital-risqueurs. En outre, ils proposent une valorisation plus basse que celle que nous avons obtenue avec la Bourse. Enfin, l’année dernière, il y avait une fenêtre d’opportunité très ouverte pour les PME désirant s’introduire sur le marché libre Alternext. Nous avons su la saisir.
Comment avez-vous vécu cette introduction en Bourse ?
C’est une aventure extraordinaire ! Intense, bien sûr : prenant quatre mois, cela représente un quasi temps plein pour l’équipe de direction et, comme il faut bien continuer à gérer le business, on travaille énormément. Mais c’est très excitant et motivant. L’enjeu étant de convaincre les investiteurs institutionnels, cela oblige aller plus loin dans la réflexion sur son projet d’entreprise. D’un point de vue intellectuel, c’est très stimulant. L’accès à la Bourse est aussi une étape importante pour les salariés. Parmi les 50 salariés, beaucoup étaient là à la création de ProwebCE : ils étaient fiers de voir le chemin parcouru en quelques années.
La Bourse ce n’est pas un peu risqué ?
Notre choix de recourir à des investisseurs institutionnels (des gérants de fonds) et non à l’appel public à l’épargne nous rend moins vulnérables aux variations de cours liées aux fluctuations de la conjoncture. En outre, nous avons suffisamment de cash pour réaliser des acquisitions. Et si la Bourse baisse, j’attendrai des jours meilleurs : je suis là pour longtemps !
Propos recueillis par Marie-Pierre Noguès Ledru
Commentaires :