Interview
Thomas et Benjamin Derreumaux, dirigeants de TDE, dans le Nord
Thomas et Benjamin Derreumaux connaissent un succès retentissant avec leurs t-shirts humoristiques Ch’tis. À Roubaix, leur Gallodrome dans lequel les graphistes s’affrontent pour faire élire leurs dessins humoristiques ensuite reproduits sur des t-shirts a réussi à imposer un style original. Ce tandem gagnant père-fils donne au textile nordiste une nouvelle dimension.
Comment analysez-vous votre croissance, accélérée en 2008 par le film Bienvenue chez les Ch’tis ?
Thomas Derreumaux : Nos marques sont les leaders sur leur marché et ont une crédibilité depuis six ans. Notre chiffre d’affaires croît naturellement de 20 % en moyenne depuis trois ans, sans le film. En 2008, notre chiffre d’affaires définitif hors Bienvenue chez les Chtis devrait augmenter de 23 %. Il fera 1,7 million d’euros en 2008 contre 730.000 euros en 2007. Le film, c’est la cerise sur le gâteau.
Benjamin Derreumaux : Nous revendiquons le fait d’avoir été là avant le film. Avant sa sortie, nous avions déjà rencontré Dany Boon qui aimait ce que l’on faisait. Je lui avais écrit une lettre qui l’a ému, avec en cadeau notre kit « mi j’parle Ch’ti ».
Cette opération nous a fait gagner en notoriété, pas en argent. Nous avons reversé 160.000 euros à des associations, comme Dany Boon l’avait souhaité. Nous avons notamment obtenu l’exclusivité de la fabrication des t-shirts du film pour la grande distribution, soit 63.000 pièces.
Quels sont vos projets après un tel succès ?
BD : Nous voulons continuer à travailler sur nos marques, en faisant rayonner la région sous sa forme la plus créative possible. Il faut encore accentuer notre marché féminin, qui représente pour l’instant un tiers de notre clientèle. Nous voulons développer une vraie gamme pour la femme et attaquer le marché bébé 0-2 ans avec de la layette.
TD : Il y a une règle d’or : ne pas gonfler la masse salariale, mais s’entourer de compétences. TDE compte 5 emplois équivalents temps plein.
Êtes-vous tentés de sortir du Nord-Pas-de-Calais pour capter de nouveaux marchés ?
TD : Non, je veux rester Ch’ti.
BD : Nous n’avons pas envie de nous éloigner trop de notre métier, au risque de nuire à la créativité.
Que signifie pour vous le mot « entreprendre » ?
BD : J’ai une soif d’entreprendre. J’ai eu personnellement la chance d’entreprendre à un moment où j’étais complètement libre. Or, on a très vite un statut social confortable en tant que salarié. Il y a beaucoup de gens enfermés dans des boîtes. J’ai envie de faire passer le message que c’est possible. Je pense que les gens sont intrinsèquement créatifs. Entreprendre, c’est aussi prendre des risques. Ce n’est pas facile. Quand on prend une mauvaise décision, on prend immédiatement une claque. Par contre, une bonne décision décuple le plaisir.
Comment entreprend-on entre père et fils ?
BD : Pendant deux ans, j’ai observé mon père gérer sa boîte. Sa vraie force est d’avoir de bonnes idées et de les mettre en place. Tout le monde peut avoir des idées, mais de là à sauter le pas… Il avait besoin d’aide pour la mise en place d’une vraie politique de communication et de marque, d’outils de VAD, que ce soit avec moi ou un autre d’ailleurs.
Dès le départ, nous avons mis tous les deux les points sur les « i », avec l’idée de concentrer nos forces. Le gros avantage, c’est la fluidité dans le dialogue par le fait de connaître parfaitement le caractère de l’autre. Nous nous faisons confiance. L’une des règles d’or est aussi de ne pas travailler avec quelqu’un de sa famille si on a les mêmes domaines de compétence. Dans notre cas, cela nous permet de s’apprendre mutuellement des choses. Et quand le ton monte, c’est toujours avec le sourire !
TD : Nous nous sommes répartis les tâches. Je suis plus porté sur Parole de Ch’ti et Benjamin sur Le Gallodrome, mais nous ne prenons pas de décision importante si l’un des deux n’est pas d’accord. Nous sommes très complémentaires. Moi, je baignais dans la production, pas du tout formé pour m’adresser au client final, consommateur. C’est un travail d’équipe formidable. Il y a aussi tout le côté fierté de son fils et possibilité de transmission dont je suis très heureux.
Propos recueillis par Géry Bertrande
Le Journal des Entreprises
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